Projet de classe en arts plastiques

1.Introduction
1.1.La genèse d'une forme
Mes installations se présentent comme des dessins dans l’espace. J’opère avec cette pauvre magie qui consiste à faire apparaître des formes à partir de peu, une surface de papier, une bâche plastique que je découpe et déploie.
Mes découpages s’inspirent des décorations éphémères en papier et créent des structures légères et pliables. Une silhouette fait image sur les murs, le sol et se développe en architecture dans l’espace.
J’exploite le découpage comme possibilité de dessiner. Ce langage formel est inspiré du monde du théâtre et de la culture populaire de la fête et du spectacle. Jouant sur le lyrisme et le décoratif, les éléments suggérés ne situent aucune histoires possibles, comme un décor fissuré et inutilisable. Le déploiement d’une seule surface dans l’espace affirme la planéité des images, il n’y a pas de profondeur, pas de transcendance. Chaque forme découpée engendre un négatif, un écho dans l’espace.
Je me joue de l’illusionnisme tout en éprouvant le matériau, papier ou bâche plastique jusqu’au territoire de l’abstraction, un déplacement qui tend à s’abstraire de ce qui fait image. Le spectateur pénètre dans le dessin, traverse les formes abstraites, traits et lignes de papier et se promène parmi les figures ou les lieux que je suggère. Il devient alors un élément de ce théâtre d’ombre.
La fragilité du matériau, le croisement entre dessin, architecture et sculpture ne situent pas un lieu fermé et immuable au temps. Ces installations sont comme des guirlandes, un lendemain de fête, abandonnées à leurs sorts, ou comme un décor qui après la représentation pourrait vivre ses propres histoires.

1.2.Il n'y a pas de second degré

Parallèlement, j’ai cherché à réinvestir ce langage sur la scène, c’est à dire lui redonner une fonction de décor, revenir à la représentation.
J'ai pensé une proposition de mise en scène, sous forme d’un décor support lui-même du texte à jouer. Le texte situe deux personnes qui se rencontrent lors d’un vernissage. Deux personnes sont invitées à jouer une scène dont ils seront eux-mêmes les spectateurs. Le texte à lire est une conversation simple. Il s’agit de lieu commun sur le monde de l’art. L’échange de banalités, cette inaptitude à habiter le langage chère à une artiste comme Valérie Mréjen retrouve un écho dans le kitsch de la guirlande.
L’installation met à disposition un cadre qui crée la condition de la rencontre. Ce cadre met en évidence l’artificialité d’un dispositif qui ne répond qu’à une volonté de jouer la rencontre amoureuse dans un décor et des conditions qui tendent à ne plus distinguer fiction et réalité. Telles celles qui attendent de leurs compagnons qu’ils jouent Roméo pour un soir, l’expérience de l’intime ne peut se lire que dans un dédoublement réalité et fiction.
Loin de laisser le spectateur face à une situation dont la pauvreté réduirait l’intensité de l’émotion, je situe cette scène comme possible, et par là même en assume la fausseté, ce manque d’incarnation comme le point de départ de l’émotion.
La conversation est donc jouée mais tout autant que peut l’être une vraie conversation en ce que le langage réduit l’expression de nos sentiments à une série de lieu commun. Il ne s’agit pas de faire résonner la vacuité de l’expérience. Je cherche à dépasser le second degré, réévaluer la profondeur des clichés, quitter la place complaisante de spectateur qui nous protège de la cruauté des sentiments.

2.Le projet pédagogique
2.1.La pratique artistique comme expérimentation
Si la pratique du dessin et de la peinture s’enseigne sur les bases d’une technique, je trouve très important de soumettre une nouvelle problématique aux élèves. Je veux leurs faire découvrir un nouveau vocabulaire expressif et questionner son “utilisation” c'est à dire sa contextualisation. La découpe d’une surface et son déploiement dans l’espace, aux croisements entre le dessin et le volume, se développent de la deuxième dimension à la troisième dimension.
Le projet sera donc avant tout de proposer aux élèves une série d’expérimentations où ils devront s'affranchir du cadre scolaire traditionnel. En effet, il a été remarqué qu'un élève expérimentant debout, c'est à dire en relation directe avec l'espace, perçoit mieux la projection d'un plan en volume.
Nous apprendrons à définir des règles à partir des multiples expériences effectuées. Faisant appel à la logique et l’intuition, cette partie importante du travail reflète mon attachement à la recherche comme processus créatif.
Nous travaillerons la notion d’espace, celui de la feuille qui demeurera notre seul matériau et bien surs l’espace réel: les murs, le sol et les corps. Des jeux de manipulations sensibiliseront les élèves aux notions d’équilibre et d’harmonie esthétique en rapport avec un espace.
Au fur et à mesure de l’avancement des exercices, les élèvent acquerront de plus en plus de liberté. Je veux stimuler la réactivité des élèves et les familiariser à l'autonomie en vue de les faire amorcer une démarche artistique.

2.2.L'événement comme anti-exposition
L'enjeu d'un projet artistique en milieu scolaire est bien surs de savoir comment faire participer les élèves à l'élaboration de son sens. Je suis convaincu que le concept d’exposition n'est pas le plus à même de convenir aux élèves. Loin d’une médiation vers l’abstraction contemplative et la promotion d'une institution, le rôle de l’école n’est pas de se transformer en industrie culturelle.
Sensibiliser les élèves à l'art contemporain c'est aussi investir ses domaines d'investigations qui se sont depuis longtemps affranchis du contexte de l'exposition. Les artistes contemporains s’intéressent aux événements de la vie quotidienne, agissant au cœur d’un univers concret et par une proposition, une intervention, un événement, une expérience, une réflexion, un processus chez les spectateurs.
La facture éphémère des oeuvres est propice pour repenser leurs destinations, leurs fonctions. Je veux inviter les élèves à sortir des schémas classiques de représentation mais aussi de monstration. Les travaux réalisés pourront selon être montrés au mur, suspendus ou accrochés, ou portés comme accessoire.
L'art est un état de rencontre, je veux donner à ce projet la forme finale d'un événement et créer du lien, du partage autour d’une fête. Ce sera l’occasion de mettre en espace les différents travaux effectués soit comme décors ou mise en scène soit comme costumes ou masques. Le caractère simple et fragile des pièces réalisées appellent l'oeuvre à être éphémère, elle n'aura de sens qu’au moment et à l’endroit où elle sera installée.
Questionner les élèves autour de la création d’un événement, c’est leurs demander de se repositionner en tant qu’individu dans un groupe. Le lien et l’échange devront être établis par les élèves, et ce afin d’investir de champ symbolique de la manifestation.
2.3.La fête comme émancipation
Proposer d'organiser une fête à des adolescents est un défi en ce qu'ils leurs sera demandé d'y structurer un enjeux et y percevoir une valeur artistique. Face à la floraison d’événement tels que Halloween, St-Patrick, nos valeurs et nos liens sociaux se décomposent aux profits de l’amusement à tous prix et de l'illusion d’un sens commun. Il me semble important de redonner du sens et de la valeur à un événement festif loin des propos moralisateurs et normalisants.
Il faut générer du lien sans l’orienter vers un dispositif œcuménique, intégrer les élèves dans la communauté en tant qu’individu avec leurs identités propres et faire exister les antagonismes. Il prend donc sens de demander aux élèves d’inventer leurs propres événements.
A travers des recherches autour des diverses fonctions d'inclusions sociales, d'émancipation ou de représentation des fêtes aujourd'hui dans le monde, une valeur rituelle de fête devra être pensée.
Je veux que cette fête soit l’occasion pour les élèves d’exploiter leurs processus imaginaires et leurs potentiels expressifs.

3.Organisation

Une plate forme d'échange a été pensée afin de stimuler les élèves et créer des liens entre les trois classes. Chacune est divisée en trois équipes définies par les couleurs primaires jaune, rouge et bleu. L'événement final sera donc composé de trois thèmes correspondant à chaque équipes. En abolissant les clivages géographiques, le projet se construit dans une perspective d'ouverture et de construction de liens.
Chaque équipe devra communiquer et échanger avec ses partenaires situés dans les autres collèges par l'intermédiaire d'un blog. Les élèves seront amené à utiliser internet comme unique outil de communication avant l'événement. Ils leurs sera demandé de participer aux recherches de fournitures et de matériaux nécessaires à la réalisation des décors et des costumes.

du geste à la trace

D'abord, il y a le geste. Les lames des ciseaux ouvrent une brèche et le silence se brise. La feuille se met a bouger timidement. Elle va quitter son immobilité bidimensionnelle. Je continue à découper. Un chemin se trace. Un plan abstrait prépare la surface à sa transformation, à son devenir autre. Contrôlant ou laissant faire le hasard, j'exécute un geste singulier. Je découpe des lignes qui je projette déjà dans l'espace. La feuille est posée par terre mais, malgré son format standard, elle frissonne. Un parcours de cisailles la dessine. Même découpée de tous cotés, elle demeure entière tel un corps au repos.

Je soulève un coté. La surface s'anime et entame son élévation. La feuille autre fois inerte se déploie et se transforme en corps dans l'espace. Je la saisis par un autre coté. Une tension parcourt la matière, les mailles se raidissent. Maintenant les découpes racontent leurs histoires communes. Je manipule ce corps tel un pantin aux étranges articulations. Ses gestes suivent les miens ou bien est-ce l'inverse?

J'accroche la découpe et m'en vais. Du point d'attache, la feuille retombe laissant son poids décider de sa forme finale. Le geste est figé dans le temps, il aurait pu continuer ou bien revenir à son départ. Suspendue dans l'espace, la surface se joue de la gravité. Pourtant sans prétendre à une légèreté illusoire, elle développe sa forme grâce à celle-ci. C'est la trace d'un geste, de la pauvre magie qui traduit une volonté de simplicité et d'économie de moyens. C'est l'histoire d'une transformation dont la forme finale contient ses échos.