Pendant que les platanes méditent
avec les cigales,
commençons par la fin
et
pour la suite je reprends
le fil
de ma libre créativité
ici
Résidence d'artiste
au collège Victor Hugo de Narbonne
au collège des Corbières Maritimes de Sigean
et au collège La Nadière de Port-La-Nouvelle



BILAN08-09



Avec
Monsieur Pierre Rouquairol
Principal au collège Victor Hugo de Narbonne
Madame Monique Grevaz-Ubeda
Principale au collège La Nadière de Port-La- Nouvelle
Madame Carmen Cervera
Principale au collège des Corbières Maritimes de Sigean
Madame Layla Moget
Directrice du L.A.C. (Lieu d'Art Contemporain) de Sigean
Madame Corinne Daniel
Professeur en Arts Plastiques au collège Victor Hugo
Madame Sylvie Paulet
Professeur en Arts Plastiques au collège La Nadière et
au collège des Corbières Maritimes
Monsieur Renaud Helena
Artiste Plasticien

Avant-propos
La rédaction d'un bilan est un exercice difficile pour une personne travaillant normalement avec sa subjectivité. Dans un tel projet, croisant plusieurs acteurs et situé dans différents établissements, il est probable de faire l'écueil de ces petites tâches noires ne pouvant expliquer en quoi le projet a ou n'a pas répondu à ses objectifs. Les grands discours élaborés en amont autour d'un projet pédagogique font toujours difficilement écho sur le terrain. Mais sont apparues alors la spontanéité et l'échange, d'autres paroles porteuses de sens. J'ai donc fait le choix de préserver cette subjectivité en retraçant mon expérience afin de faire émerger un ressenti et de tracer un récit.

Introduction
Je vais d'un espace à l'autre. Je serre des mains entre des murs formant une enceinte qui semble s'être protégée tant bien que mal du temps qui passe. Je serre des mains dans des modules flambants neufs où il semblerait que les mouettes aient élu domicile. Je serre des mains dans un bloc aux couloirs sombres où de bruyants travaux d'aménagement s'efforcent de faire concurrence au monolithe. Les trois collèges se dessinent peu à peu. Je perçois des échos de "Entre les murs" (de François Bégaudeau), une vision où se mêlent mes souvenirs d'adolescent et les clichés médiatiques qui ont dressé un état dramatique de la situation de l'éducation pour enfin parvenir à ce terme si cher à nos oreilles, celui de crise. Ce serait une erreur que de penser que ce qui se passe « entre les murs » est le miroir de la crise qui touche une partie de notre société. Je parle de la perte de repères, la crise de la représentation symbolique de l'autorité. Il faut dépasser la position figée du constat alarmant propre à servir tous les effets d'annonces spectaculaires et à cautionner le découragement général. Le collège est un espace de transition, un lieu d'interaction entre le « devenir-adulte » et l'adulte qui oublie bien trop souvent que l'on ne s'arrête jamais de devenir adulte. La semaine est finie. J'ai dû voir deux-cent cinquante élèves. L'aventure commence. Je sens grandir en moi cette excitation des premières fois. Je dois affronter la classe. Si le terme peut sembler inapproprié, c'est parce que la classe est une structure qui ne permet pas l'échange et l'autonomie. Je dois me déplacer, avancer, reculer et trouver ma place. Quelle est la place d'un artiste dans un collège? Elle est là où circule la parole. Elle doit demeurer ambivalente en ce que je réponds à la fois au rôle d'artiste celui qui active un regard et une attitude singuliere et au rôle d'intervenant (éducateur) celui qui travaille dans la médiation. La notion d'artiste intervenant est un oxymore. Mais loin d'être stérile, c'est ce paradoxe qui crée l'intérêt de l'expérience, penser une interaction au sein de l'école qui s'ouvre à l'inconnu. Je veux me placer en tant que chercheur, ouvrir des pistes, proposer des expériences et créer des laboratoires.

1.TRACÉS DES CONTOURS
1.1.Mise au point

Le projet proposait d’une part, d’offrir à l’artiste la possibilité de séjourner et de travailler dans un établissement scolaire pendant une durée de trois mois et d’autre part d’intervenir directement dans des classes dans trois établissements de Sigean, Port la Nouvelle et Narbonne à raison de 13 semaines d'intervention du 2 février au 29 mai soit 154 h réparties sur les trois collèges.

Ont été choisies trois classes de troisième afin de développer un projet artistique commun établissant une relation auprès d’élèves de différents collèges et différentes villes. Le projet reposait sur l'échange et la motivation des élèves afin d'élaborer un travail original croisant la démarche de l'artiste avec la problématique de la pratique festive et de sa valeur. Un temps d'apprentissage et un temps de création ont été prévu afin d'amener les élèves à penser et à produire leur événement.

1.2.« Ceci n'est pas une résidence d'artiste »

Tel le fameux tableau de Magritte, il ne s'agit pas d'une déclaration mais d'une tautologie. Le projet n'a pu être que l'image d'une résidence et non sa concrétisation. Concevoir des interventions sur trois collèges, considérer un emploi du temps avec deux jours libres et travailler en classe entière sont les éléments qui, dés le départ, dessinent les contours d'un projet en contradiction avec une résidence d'artiste.

Une résidence d'artiste n'est ni une commande, ni une animation, ni un acte de médiation pour l'art contemporain envers le public, c'est un moment professionnel offert à un artiste pour mettre en oeuvre les problématiques de sa propre création. Le temps libre n'a pas été suffisant pour faire apparaître un travail abouti. Et au delà de ce qui pourrait paraître suffisant pour d'autres, il m'a été difficile dès le départ d'opérer une déconnection entre mon trop important rôle d'éducateur/organisateur et mon travail d'artiste.

Ce n'est à pas l'heure du bilan que l'on peut remettre en question la nature même du projet. Il ne s'agit pas non plus de le nommer proprement mais de définir quels ont été sa spécificité et ses objectifs.

1.3.Organisation

Si l'envergure de ce projet implique des difficultés supplémentaires en terme de coordination et d'organisation, celle-ci aurait dû être mieux penser et formuler au démarrage de la résidence. Des temps de concertations avec l'ensemble des acteurs, soit l'administration des trois établissements, la directrice du centre d'art, les professeurs d'art plastique et l'artiste aurait permis de déterminer les objectifs et les rôles de chacun mais aussi d'adapter le projet au manque d'implication de la part de beaucoup d'élèves notamment et ainsi conduire le projet vers sa plus juste reconfiguration.

Mais déjà les aménagements de rencontre et de travail n’ont pas été égaux dans les trois établissements, ce qui a provoqué des relations et des rythmes très différents. La construction des productions aurait réclamé une organisation extérieure plus importante, les enseignantes n’ayant pas de temps de décharge prévu pour le fonctionnement du projet.

2.DÉROULEMENT DU PROJET
2.1.Apprentissage

L'apprentissage a pu être un terrain riche en expérimentations et en découvertes pour les élèves. Il a permis d'ouvrir le cadre scolaire à de nouvelles pratiques. Le processus du découpage était particulièrement adapté aux élèves en ce qui ne requérait aucun don artistique. Consistant à stimuler un questionnement à partir de principes de découpes, la pratique les a amenés très progressivement à s’engager, rassurés par des exercices rigoureux à s’en échapper en prenant progressivement de l'autonomie. Chacun a pu ainsi se trouver valorisé par sa propre production.

D'une autre côté, la contrainte du découpage ne permettait pas de représenter ce que les élèves désiraient contrairement à la pratique du dessin ou de la peinture. Cette limite les a ouverts et familiarisés à la possible existence d'une forme, d'une image qui ne se limitait pas à la reproduction et au mimétisme mais ouvrait le regard sur un imaginaire.

2.2.Les exigences de la création

Il en a résulté une réelle mise en situation des élèves dans un processus de création associant des recherches personnelles, des expérimentations et l'appropriation de savoir-faire à partir de contraintes dans le but de construire une œuvre qui interpelle le regardeur autour de la notion de déploiement d’une surface.

Au départ je voulais créer les groupes selon les affinités musicales des élèves afin de définir un socle commun. Mais il fut impossible d'arranger la répartition des élèves selon leurs goûts. Chaque groupe s'est vu attribuer une couleur correspondant à un trait de caractère dominant. À moins que ce ne soit les couleurs qui aient révélé les différents comportements des élèves?

-Les bleus étaient des groupes calmes et réfléchis, leurs propositions a pris rapidement une forme très conceptuelle.
-Les rouges ont proposé une oeuvre formelle qui implique les corps et l'action. L'approche d'une démarche artistique par le process était particulièrement adaptée à leurs caractères impulsifs et impatients.
-Les jaunes ont pensé une proposition plastique esthétique immergeant le spectateur dans un univers lumineux.

Au collège de Victor Hugo uniquement le travail en petits groupes (pas plus de huit élèves) a permis aux élèves d'acquérir une entière autonomie dans les propositions. Mon rôle à été donc de les accompagner dans la démarche artistique, de la formulation d'une idée à sa réalisation. Les élèves ont, tout en respectant la contrainte du processus de découpage, pu proposer leurs idées. Je n'ai joué le rôle que d'assistant lorsque les réalisations s'avéraient trop contraignantes et délicates.

Cette disponibilité aurait été nécessaire dans les deux autres établissements afin de créer réellement les conditions d'échange et de temps propres à tous travaux artistique.

2.3.Le lien

L'ouverture du projet sur plusieurs établissement a permis d'offrir au projet une forme qui s'est extraite du cadre scolaire. Les trois groupes ont pu être constitués d'élèves des différents collèges. Il ne s'agissait plus de classe mais de groupe de travail.

Cependant les élèves ont exprimé le désir de se rencontrer avant le jour même de l'évènement. N'ayant pas les moyens de payer le transport, nous avons dû penser la séparation comme facteur dans le contexte du travail.


Alors cette distance s'est transformée en moteur pour aboutir à cet événement qui devenait aussi la rencontre. Les élèves ont su réagir et faire évoluer leurs propositions malgré la séparation. Savoir que d'autres élèves avec leurs personnalités et leurs envies travaillaient aussi au projet a stimulé et permis à certains de s'impliquer puisque les enjeux sortaient du cadre quotidien de leurs classes.

Mais créer du lien pour que puissent se tisser une recherche commune aboutissant à une création commune aurait dû être considéré comme un temps à part entière dans le projet et aurait nécessité un acteur supplémentaire dans les établissements (CDI). Les blogs mis en place n'ont pas réussi à devenir le support des échanges. Les élèves ne se sont pas appropriés l'outil informatique accessible pourtant hors du temps scolaire pour la plus-part.

Le blog a permis du moins aux élèves de s'exprimer avec spontanéité, grâce aux principe de l'anonymat, ce court temps de travail est aussi devenu un jeu propice à une liberté de rédaction comme pour la présentation personnelle rédigée par des élèves.

Mais les récurrents problèmes de connections et d'effectifs trop nombreux pour le nombre de postes au collège La Nadière et au collège des Corbières Maritimes m'ont poussé à transmettre l'essentiel des informations par des carnets de recherches que j'ai fait circuler entre les trois classes.

2.4.La fête est une tragédie

Le projet demandait un double travail :
- La création d'accessoire et décors pour la scénographie.
- Le travail de performance au sens artistique du terme.

Face aux réticences des élèves à s'exposer et se confronter à un public, par manque de motivation ou par timidité mais surtout par manque de temps de travail, cette partie du travail n'a pas pu être aboutie. Il fallait donc selon les groupes penser des propositions visuelles en autonomie par rapport à la performance et pouvant porter individuellement le sens du projet. Malheureusement la présentation n'a pas su s'adapter à cette reconfiguration inégale selon les groupes et a donc ouvert à l'inconnu les actions menées par les élèves.

Canaliser l'énergie des adolescents pour recréer une fête est difficile en dehors du cercle dans lequel ils la pratiquent normalement. L'ambition de ce projet , au delà de cette volonté de création de liens et d'échanges, était de questionner les élèves autour de la création d’une fête et de leur demander d'y structurer un enjeu et y percevoir une valeur artistique . Faute de temps et d'impulsions collectives, seuls les élèves motivés et ouverts ont pu réellement répondre à ce défi et s'approprier le projet pour lui donner du sens.

La proposition finale demandait à être portée par tous afin de garantir sa cohérence. Mais la fête doit aussi s'ouvrir à l'inconnu. La volonté d'un résultat propre à tout projet pédagogique a transformé ce qui se voulait être de la spontanéité et de la performance en spectacle rendant impossible la rencontre entre le public et les élèves. Il ne s'agissait donc pas de rendre compte de tout le travail effectué par les élèves mais de donner lieu à une expérimentation.

Il était néanmoins nécessaire comme toute action de monstration de s'appliquer à en garantir la lisibilité. La clarté du processus de création donnait sens à l'oeuvre et celle des propositions de performances devait énoncer les histoires des élèves. Si les oeuvres répondaient à cette exigence, le manque de préparation n'a pas permis de rendre claires les différentes intentions manifestées par la performance des élèves.

La fête est envisagée comme une passerelle permettant de créer un lien entre un public et une forme d'art. D'une rencontre se réduisant aux prémices d'une expérience inédite peuvent émerger le plaisir ainsi qu'une nouvelle forme de réflexion face à la création contemporaine.


Le statut novateur de l'événement aurait nécessité une médiation supplémentaire auprès du public. Là où le costume géant du dragon de l'équipe rouge dans son apparition était lui-même son propre discours, les tunnels, décors des scénettes de l'équipe bleu, ne fonctionnaient que sur la prise en charge du public et la transmission du sens par les élèves.

2.5.Retour

Le personnel des établissements présent lors de la manifestation ont été déçus par le manque d'organisation pénalisant la qualité des performances. Malgré les problèmes de temps de travail et de gestion d'un groupe de 75 élèves dans une salle des fêtes, la rencontre entre les élèves était positive. Cet aspect important du projet leur a permis de vivre une expérience commune.

Le projet a su éveiller le groupe à une démarche artistique et à ses enjeux grâce à une immersion par la pratique les amenant à apprendre et à structurer une pensée. Mais une approche de la démarche artistique par le process est toujours difficile à formuler après-coup, une expérience esthétique n'étant jamais transmissible immédiatement.

Après un bilan fait auprès des élèves, l'expérience a été très positive. Ils ont ressenti une satisfaction face à l'apparition en public de leurs travaux personnels et la découverte de l'ampleur de l'installation.

3.CADRE SCOLAIRE ET DEMARCHE ARTISTIQUE
3.1.L'empreinte de la rencontre
Je discutais hier avec Sylvie. Je lui disais qu'il y avait un problème d'attention au collège de Port-La-Nouvelle, que les élèves n'écoutaient pas. Mais ce n'est même pas de cela dont il s'agit car ils ne sont simplement pas là. Il n'y a pas de relations. Ils ne sont pas ouverts à l'échange. J'ai le sentiment qu'ils sont présents uniquement par obligation, qu'il n'y a rien de plus. Si le statut d'artiste aiguise la curiosité de la plupart des élèves, ce n'est pas le cas du corps enseignant. Très peu se sont présentés aux rencontres organisés en ouverture au projet. Il m'a fallu donc développer de nouveaux systèmes de communication, marquer ma présence et déclencher la rencontre.

La périphérie de mon atelier au collège Victor Hugo situé à un étage où il n'y a pas de classe, n'a pas instauré les conditions propices à la rencontre. Un système d'affichage et de présence dans les temps libres ont permis à certains élèves et parents d'élèves de découvrir mon travail.

Le projet d'installation dans le hall du collège La Nadière m'a permis grâce à cette occupation de l'espace pour une journée de création, de laisser une trace de ma présence et ainsi de faire connaître au corps enseignant et aux élèves mon travail et le projet.

Reste a conquérir mon premier public, les élèves avec lesquels l'on va construire le projet. Il est triste de constater encore aujourd'hui que le cours d'Arts Plastiques pâtit d'un statut auxiliaire. Relégué au rang d'option ou de goût, beaucoup d'élèves sans distinction de niveau scolaire se comportent différemment.

Cette liberté qu'ils ont prise leur permet de travailler avec plus de spontanéité, mais l'on souffre du manque de motivation générale. On ne peut faire appel à la subjectivité des élèves s'ils ne fonctionnent que sur le mode du devoir et de l'attitude scolaire. L'expérimentation artistique nécessite une certaine autonomie de la part des élèves.
Comment instaurer une relation, là où l'autorité ne peut agir?

3.2.De l'orateur à l'échange singulier

Corinne me fait remarquer que je me comporte différemment lorsque je suis en classe entière ou en petit groupe. Elle me dit que cela doit être le cas pour tout le monde.

Lorsqu'on se retrouve en classe de 25 élèves, on va devenir orateur, dispensant d'un savoir auquel les élèves ne peuvent qu'adhérer. Cette relation unilatérale peut rapidement limiter les démarches amorcée à une production très scolaire.

Par ailleurs, le travail en atelier m'a permis de construire une vraie relation de confiance et d'échange ne pouvant garantir peut-être l'apparition d'un résultat immédiat mais révélant la spontanéité et la personnalité des élèves. Selon leurs motivations et leurs sensibilités, il devient possible de donner une place et un rôle à chacun dans le projet qui se construit. L'échange singulier et le temps privilégié peuvent instaurer une envie commune, une énergie brute moteur pour chacun.

3.3.Une redéfinition des espaces

Quand ils me regardent, parfois je me demande s'ils ne se moquent pas de moi. J'ai l'impression que cette frontière entre l'adulte et l'élève peut devenir ce mur qui m'empêche de rigoler avec eux et eux de rigoler avec moi. Comme si le fait que je ne sois pas parfait, qu'il y ait sûrement beaucoup de raisons de se moquer de moi, ne soit pas partageable.
Les élèves procèdent souvent par automatisme, ils assimilent les informations qu'ils recoivent dans le cadre scolaire avec une certaine distance. J'ai donc essayé de briser ou d'ouvrir cet espace là. Tout comme le lieu d'exposition, l'atelier a migré de son lieu d'origine pour devenir forme mobile s'appropriant n'importe quels espaces. Il est donc possible de transformer la classe, d'en révéler de nouveaux aspects, d'inventer de nouveaux comportements.

Nous avons changé de lieu et pu initier différents types d’apprentissages, impliquant le corps de l’élève par la mise à disposition de différents lieux. Redéfinir les espaces et en pratiquer de nouveaux permet d'introduire la recherche et l'expérimentation comme partie intégrale du travail et de la démarche artistique.

3.4.Le rôle de l'artiste, le rôle du professeur

Il est très difficile de remplir la mission pédagogique et de construire une démarche artistique en même temps. Le cadre scolaire transforme l'action vers les élèves en un acte d'orateur, et les élèves m'ont rapidement assimilé à un professeur.

Si mon rôle d'éducateur et de spécialiste d'un savoir-faire est primordial, il n'en demeure pas moins important de préserver la nature expérimentale de toutes démarches artistiques. Je propose des expériences, je suis dans la position de l'action et du faire. Je ne peux garantir des acquis et encore moins effectuer un aller-retour constant entre la pratique et la médiation. Je m'applique à immerger les élèves dans le process qui produit du sens.

C'est au professeur d'assimiler l'expérience et d'en faire la médiation et l'explication pour que puisse être formulé un savoir. Le professeur peut retrouver la classe et permettre aux élèves de développer les acquis sur le long terme.

On observe donc deux temps de travail qui nécessitent une distinction qui a fait défaut au projet. Si nous avons distingué une phase d'apprentissage technique et de recherche et une phase de création, nous avons omis une phase où l'artiste est absent.

3.5.Les limites de la démocratisation culturelle

Il y a quelques jours en sortant par le portail principal du collège, je croise deux jeunes adossés à la grille. L'un d'eux m'interpelle et me dit: "Hé! M'sieur, il va faire péter un pétard en face de la vie scolaire!" Surpris de devoir représenter cette autorité uniquement prétexte à confrontation, je lui réponds: "Et bien, tu ne sais pas être responsable de tes actes?" Un peu crispé, je n'attend pas de réponse et continue mon chemin. Derrière moi, j'entends le pétard exploser.

Les dispositifs organisés sur le collège Victor Hugo avec trois heures d'interventions sur une classe soit huit élèves par heure et ceux prévus par les collèges La Nadière et des Corbières Maritime, avec aucun aménagement mais simplement huis heures d'interventions en classe entière, montrent déjà par les différences qui en ont résultés les limites de la démocratisation culturelle.

Le cadre de la classe ne permet pas de développer une relation entre l'artiste et l'élève. Si la volonté d'ouvrir la découverte d'un artiste et de sa pratique au plus grand nombre est tout a fait louable, il ne faut pas adapter la spécificité du projet dans lequel s'inscrit l'artiste et son travail, à la logique du nombre. Cette rentabilité réduit profondément la qualité des échanges et influe par conséquent sur la qualité des résultats produits.

Je pense toujours que construire un projet en classe entière est un défi très intéressant et très enrichissant. Mais il demande autant de travail de médiation et d'adaptation aux élèves qui ne veulent pas s'y impliquer que de travail de création. Et c'est aussi aux collèges de penser de nouveaux cadres disciplinaires afin de ne pas limiter le projet artistique à un devoir scolaire, auquel cas il n'a plus aucune valeur.

4.INTERVENTIONS ANNEXES ET AVANCEMENTS PERSONNELS

Grâce à l'amplitude géographique du projet, j'ai pu développer avec les différentes rencontres un grand nombre d'interventions en parallèle pour enrichir ma recherche et approfondir les expérimentations en matière de pratique plastique. Ces laboratoires m'ont aidé à poursuivre ma recherche qui avait déserté l'atelier.

Je suis intervenu huit heures avec Mme.Lebel, au collège Victor Hugo en classe de SEGPA, en section couture où nous avons élaboré une approche expérimentale autour de la notion de patron.

Je suis intervenu en classe de 6ème en mathématique avec Mme Van Daele au collège La Nadière:
« le point positif dans l'expérience est de voir que les maths sont liés à d'autres matières et qu'on peut les aborder différemment de ce que l'on fait d'habitude. J'ai beaucoup apprécié comment les faire passer du plan à l'espace et inversement, ça m'a beaucoup servi pour leur cours et je l'ai appliqué au 5ème. Ils ne prenaient pas ça comme un cours mais ils apprenaient beaucoup de choses. D'ailleurs ils étaient plutôt attentifs et concentrés lors des séances.
Je pense que cette expérience a été très positive pour les élèves et pour moi-même, ça m'a donné pas mal de pistes de travail. »Céline Van Daele

Je suis donc intervenu dans le cours d'Arts Plastiques de Mme Paulet avec des élèves de 6ème du collège des Corbières Maritimes à raison de trois heures par semaine. Nous avons démarré un projet de création de découpage Pop-up et projeté une exposition à la Médiathèque de Sigean qui aura lieu du 8 au 19 septembre. Ces heures m'ont permis de travailler le Pop-up que je considérais essentiellement comme décoratif et de me l'approprier comme réelle forme plastique.

L'installation Sans titre/piège réalisée dans le hall du collège La Nadière et les interventions qui ont suivi avec trois classes de 4ème et de 3ème sont un bel exemple de simultanéité entre mon cheminement artistique et le développement des cours avec les élèves. Cette installation est une ouverture du processus de découpage vers la notion de piège reprenant la logique d'une forme qui s'ouvre et se referme. Afin de faire participer les élèves à cette recherche , je leur ai proposé de construire des pièges et dessinant un contexte dans lequel celui-ci pourrait s'inscrire. Cette proposition a eu beaucoup de succes. Elle est la réussite même d'une démarche artistique qui va, pour quelques semaines, évoluer entre les élèves et moi.

Conclusion
Réconcilier une pratique personnelle et une pratique dans le cadre scolaire, porteuse de sens, était un enjeu majeur de ce projet. L'initiative a permis une double rencontre: entre un artiste et des élèves, et entre les élèves. Mais je devrais parler plus d'adolescents qui, pour le temps d'une soirée, ont pu nouer des liens et manifester une nouvelle histoire dans un nouvel espace, fruit de la cohésion entre trois classes.

Les conditions offertes par les établissements ont pu dans une certaine mesure ouvrir des portes et créer des laboratoires de recherche. Ces expériences ont montré à quel point il est important de toujours travailler en petits groupes afin de préserver la qualité de la relation intervenant-élève.

Il est difficile de faire appel à un imaginaire personnel et à une énergie lorsque les élèves ne sont pas intéressés. Il est nécessaire afin de garantir la cohésion du groupe d'élèves et la réussite de la manifestation en dehors des contingences scolaires de configurer un projet artistique uniquement autour d'élèves volontaires et motivés.

A fait défaut un réel intérêt de la part du personnel enseignant. De telles actions sur le territoire doivent impliquer un plus grand nombre d'acteurs et demande plus d'efficacité de la part des partenaires (manque de subventions, affiches imprimées deux jours avant l'événement) afin que les créations des élèves puissent bénéficier du public qu'elles méritent.

Demander aux élèves de créer du lien n'est possible que si le lien entre les acteurs se construit en parallèle. Une adhésion totale à la philosophie du dispositif de la part de tous les partenaires s'avère essentielle; or, cela n'a pas été le cas de cette première expérience. L'artiste est le moteur mais il ne peut être un intermédiaire ou encore l'unique coordinateur car son départ obligerait à reproduire le travail l'année suivante. On peut se demander alors comment instaurer des actions culturelles et pédagogiques de qualité si celles-ci ne portent pas leurs fruits, car l'élaboration d'un tel projet ne peut s'inscrire que dans le temps.


Renaud Helena



Je tiens à remercier particulièrement

Corinne Daniel, professeur en Arts Plastiques au collège Victor Hugo,
et

Sylvie Paulet, professeur en Arts Plastiques au collège des Corbières
Maritimes et La Nadière,

pour leurs engagements et leurs déterminations,

Paule Lebel, professeur de Couture au collège Victor Hugo,
Céline Van Daele, professeur de Mathématique au collège La Nadière,
Marie-Claire Girodolle,professeur de Français au collège Victor Hugo,

pour leurs généreuses contributions, ainsi que

Layla Moget, directrice du L.A.C.,

pour avoir initier ce projet audacieux et nous avoir fait confiance.









Calendrier des expositions
de la rentrée 2009

« La fête continue »
Exposition des travaux des élèves des collèges Victor Hugo de Narbonne, des Corbières Maritimes de Sigean et
La Nadière de Port-La-Nouvelle
avec l'artiste intervenant Renaud Helena

du 4 au 29 septembre 2009
à la Médiathèque Municipale Georges-Duret de Port-La-Nouvelle



« Pop-up! »
Exposition des travaux des élèves du collège des Corbières Maritimes de Sigean
avec l'artiste intervenant Renaud Helena

du 8 au 19 septembre 2009
à la Médiathèque Municipale de Sigean



Exposition des travaux
de Renaud Helena

du 3 au 25 octobre 2009
au L.A.C. (Lieu d'Art Contemporain) à Sigean

WORKSHOP AU THEATRE

/ DU GESTE A LA TRACE

BILAN: "CECI N'EST PAS UNE MANIFESTATION ARTISTIQUE"

L'heure du bilan approche et pour l'instant elle peut se résumer à un doliprane tout les soirs. Dans un tel projet, croisant plusieurs acteurs et plusieurs collèges, il va être difficile de ne pas faire l'écueil des petites taches noires qui ne peuvent pas expliquer en quoi le projet a et n'a pas répondu à ses objectifs. Prendre du recul va prendre du temps malgré mon expérience. Il m'est difficile d'ailleurs de définir cet évènement en terme d'échec ou de réussite (sûrement parce que l'on se rapproche plus de l'échec) mais on ne peut évaluer le travail des élèves comme l'on pourrait le faire avec mon travail. La proposition manquait vraiment de lisibilité et donc d'efficacité. Mais là où le Dragon des rouges dans son apparition est lui-même son propre discours, les tunnels des bleus ne fonctionnaient que sur la prise en charge du public et la transmission du sens par les élèves.
Je peux dire que de manière générale je suis satisfait de la proposition visuelle mais celle-ci a terriblement pâti de l'absence des élèves et donc de préparations (hors ce n'était pas l'objectif) . Je reconnaît que j'aurais du sûrement considérer plus en amont la place qu'ils étaient à même d'occuper. La manifestation artistique s'est rapidement transformée en spectacle et donc en un clivage entre public et scène, élèves et adultes. L'absence des élèves a appelé l'absence du public et n'est resté que la musique, seule à pouvoir occuper l'espace et occulter la fragile plastique des installations et leurs sens.

L'Art de la Fête





Finalement la chose la plus importante lorsque l'on va à une fête c'est comment l'on s'habille comme si il fallait se préparer à une rencontre décisive, un nouveau chapitre dans notre vie. Mais on sait bien que l'on va boire, rigoler et oublier pour continuer à espérer.

montage


Ce petit dessin se cachait sous mon tapis de découpe. Je l'ai vu pour la première fois hier.
C'est un peu comme si il m'attendait,






Renaud Helena, Sans titre (piège), 2009
Bâche plastique, cordes, parpaings, 800 x 800 x 600.


Je me suis demandé ce que pouvait signifier une oeuvre d'art dans un collège, si la particularité du cadre scolaire ne transformait pas tout ce qui s'y trouvait à l'intérieur en matériel pédagogique ou, du moins, en produit promotionnel de l'institution. Je voulais créer un espace dans l'espace. Puisqu'il est difficile de faire tomber les murs il fallait en construire d'autre à l'intérieur. J'ai pensé à un chapiteau, une tente nomade n'isolant pas totalement du collège mais dont la dimension monumentale nous invite à rentrer dedans.
Je me suis posé la question du rapport entre l'oeuvre et les élèves au quotidien. L'espace public du collège est un lieu que les élèves essayent de s'approprier tant bien que mal. Plus que le personnel éducatif, ils y marquent leurs présences et l'installation ne fait pas exception à cela.
J'ai donc pensé une pièce qui peut répondre aux altérations ou aux éventuelles imprudences (et je ne parle pas uniquement des élèves). La forme déployée de cette architecture apparaît dans l'espace uniquement grâce à son poids et aux points de suspension qui défient la gravité. Tel un piège, l'installation est susceptible de se refermer sur elle-même. La forme est tendu dans l'espace par les cordes jaunes simplement reliées aux parpaings. Cette apparente fragilité du dispositif renvoie modèle du piège. Comme ce bouton rouge où il ne faut surtout pas appuyer, j'ai voulu mettre en évidence là où le risque est effectif rendant ainsi le désir d'y toucher plus palpable.


Renaud Helena


Demain, je vais m'installer à PLN pour un jour, monter une pièce dans le hall du collège. Je ne sais pas encore le statut que peut avoir celle-ci. Le rythme que j'ai pris est chaotique, je m'adapte finalement plus aux situations telles qu'elles apparaissent face à l'organisation du projet d'évènement avec les trois collèges. J'ai pas pris de temps pour moi ou je ne l'ai pas trouvé. Demain, ce temps sera là pour moi. Que puis-je placer dans le collège?
Je n'ai pas vraiment de choix, la bâche est noire. Elle est déjà une injure à l'ordre esthétique et aux camaïeux de couleurs qui s'efforcent de pacifier l'ambiance. Quelle ambiance?
Cette pièce doit être un désordre. PLN est le collège qui ressemble le plus à ce que l'on peut s'imaginer d'un collège de banlieue, il est prêt à répondre d'une certaine manière à n'importe quels stigmates. Mais il vaudrait mieux laisser les lieux communs.
Le collège est-il un non-lieu? Je pense à créer un autre espace dans l'espace. Comme l'on ne peut pas ouvrir les murs, alors il faut construire d'autres murs à l'intérieur.
Ouai, bof, la bâche n'isole pas du bruit, et c'est le bruit qui faut découper dans le collège. Le silence n'a pas sa place là-bas. Et puis, je ne suis pas convaincu par le pouvoir oecuménique de ses expériences de nouvel espace dans l'espace, c'est un peu bidon...





















Projet de classe en arts plastiques

1.Introduction
1.1.La genèse d'une forme
Mes installations se présentent comme des dessins dans l’espace. J’opère avec cette pauvre magie qui consiste à faire apparaître des formes à partir de peu, une surface de papier, une bâche plastique que je découpe et déploie.
Mes découpages s’inspirent des décorations éphémères en papier et créent des structures légères et pliables. Une silhouette fait image sur les murs, le sol et se développe en architecture dans l’espace.
J’exploite le découpage comme possibilité de dessiner. Ce langage formel est inspiré du monde du théâtre et de la culture populaire de la fête et du spectacle. Jouant sur le lyrisme et le décoratif, les éléments suggérés ne situent aucune histoires possibles, comme un décor fissuré et inutilisable. Le déploiement d’une seule surface dans l’espace affirme la planéité des images, il n’y a pas de profondeur, pas de transcendance. Chaque forme découpée engendre un négatif, un écho dans l’espace.
Je me joue de l’illusionnisme tout en éprouvant le matériau, papier ou bâche plastique jusqu’au territoire de l’abstraction, un déplacement qui tend à s’abstraire de ce qui fait image. Le spectateur pénètre dans le dessin, traverse les formes abstraites, traits et lignes de papier et se promène parmi les figures ou les lieux que je suggère. Il devient alors un élément de ce théâtre d’ombre.
La fragilité du matériau, le croisement entre dessin, architecture et sculpture ne situent pas un lieu fermé et immuable au temps. Ces installations sont comme des guirlandes, un lendemain de fête, abandonnées à leurs sorts, ou comme un décor qui après la représentation pourrait vivre ses propres histoires.

1.2.Il n'y a pas de second degré

Parallèlement, j’ai cherché à réinvestir ce langage sur la scène, c’est à dire lui redonner une fonction de décor, revenir à la représentation.
J'ai pensé une proposition de mise en scène, sous forme d’un décor support lui-même du texte à jouer. Le texte situe deux personnes qui se rencontrent lors d’un vernissage. Deux personnes sont invitées à jouer une scène dont ils seront eux-mêmes les spectateurs. Le texte à lire est une conversation simple. Il s’agit de lieu commun sur le monde de l’art. L’échange de banalités, cette inaptitude à habiter le langage chère à une artiste comme Valérie Mréjen retrouve un écho dans le kitsch de la guirlande.
L’installation met à disposition un cadre qui crée la condition de la rencontre. Ce cadre met en évidence l’artificialité d’un dispositif qui ne répond qu’à une volonté de jouer la rencontre amoureuse dans un décor et des conditions qui tendent à ne plus distinguer fiction et réalité. Telles celles qui attendent de leurs compagnons qu’ils jouent Roméo pour un soir, l’expérience de l’intime ne peut se lire que dans un dédoublement réalité et fiction.
Loin de laisser le spectateur face à une situation dont la pauvreté réduirait l’intensité de l’émotion, je situe cette scène comme possible, et par là même en assume la fausseté, ce manque d’incarnation comme le point de départ de l’émotion.
La conversation est donc jouée mais tout autant que peut l’être une vraie conversation en ce que le langage réduit l’expression de nos sentiments à une série de lieu commun. Il ne s’agit pas de faire résonner la vacuité de l’expérience. Je cherche à dépasser le second degré, réévaluer la profondeur des clichés, quitter la place complaisante de spectateur qui nous protège de la cruauté des sentiments.

2.Le projet pédagogique
2.1.La pratique artistique comme expérimentation
Si la pratique du dessin et de la peinture s’enseigne sur les bases d’une technique, je trouve très important de soumettre une nouvelle problématique aux élèves. Je veux leurs faire découvrir un nouveau vocabulaire expressif et questionner son “utilisation” c'est à dire sa contextualisation. La découpe d’une surface et son déploiement dans l’espace, aux croisements entre le dessin et le volume, se développent de la deuxième dimension à la troisième dimension.
Le projet sera donc avant tout de proposer aux élèves une série d’expérimentations où ils devront s'affranchir du cadre scolaire traditionnel. En effet, il a été remarqué qu'un élève expérimentant debout, c'est à dire en relation directe avec l'espace, perçoit mieux la projection d'un plan en volume.
Nous apprendrons à définir des règles à partir des multiples expériences effectuées. Faisant appel à la logique et l’intuition, cette partie importante du travail reflète mon attachement à la recherche comme processus créatif.
Nous travaillerons la notion d’espace, celui de la feuille qui demeurera notre seul matériau et bien surs l’espace réel: les murs, le sol et les corps. Des jeux de manipulations sensibiliseront les élèves aux notions d’équilibre et d’harmonie esthétique en rapport avec un espace.
Au fur et à mesure de l’avancement des exercices, les élèvent acquerront de plus en plus de liberté. Je veux stimuler la réactivité des élèves et les familiariser à l'autonomie en vue de les faire amorcer une démarche artistique.

2.2.L'événement comme anti-exposition
L'enjeu d'un projet artistique en milieu scolaire est bien surs de savoir comment faire participer les élèves à l'élaboration de son sens. Je suis convaincu que le concept d’exposition n'est pas le plus à même de convenir aux élèves. Loin d’une médiation vers l’abstraction contemplative et la promotion d'une institution, le rôle de l’école n’est pas de se transformer en industrie culturelle.
Sensibiliser les élèves à l'art contemporain c'est aussi investir ses domaines d'investigations qui se sont depuis longtemps affranchis du contexte de l'exposition. Les artistes contemporains s’intéressent aux événements de la vie quotidienne, agissant au cœur d’un univers concret et par une proposition, une intervention, un événement, une expérience, une réflexion, un processus chez les spectateurs.
La facture éphémère des oeuvres est propice pour repenser leurs destinations, leurs fonctions. Je veux inviter les élèves à sortir des schémas classiques de représentation mais aussi de monstration. Les travaux réalisés pourront selon être montrés au mur, suspendus ou accrochés, ou portés comme accessoire.
L'art est un état de rencontre, je veux donner à ce projet la forme finale d'un événement et créer du lien, du partage autour d’une fête. Ce sera l’occasion de mettre en espace les différents travaux effectués soit comme décors ou mise en scène soit comme costumes ou masques. Le caractère simple et fragile des pièces réalisées appellent l'oeuvre à être éphémère, elle n'aura de sens qu’au moment et à l’endroit où elle sera installée.
Questionner les élèves autour de la création d’un événement, c’est leurs demander de se repositionner en tant qu’individu dans un groupe. Le lien et l’échange devront être établis par les élèves, et ce afin d’investir de champ symbolique de la manifestation.
2.3.La fête comme émancipation
Proposer d'organiser une fête à des adolescents est un défi en ce qu'ils leurs sera demandé d'y structurer un enjeux et y percevoir une valeur artistique. Face à la floraison d’événement tels que Halloween, St-Patrick, nos valeurs et nos liens sociaux se décomposent aux profits de l’amusement à tous prix et de l'illusion d’un sens commun. Il me semble important de redonner du sens et de la valeur à un événement festif loin des propos moralisateurs et normalisants.
Il faut générer du lien sans l’orienter vers un dispositif œcuménique, intégrer les élèves dans la communauté en tant qu’individu avec leurs identités propres et faire exister les antagonismes. Il prend donc sens de demander aux élèves d’inventer leurs propres événements.
A travers des recherches autour des diverses fonctions d'inclusions sociales, d'émancipation ou de représentation des fêtes aujourd'hui dans le monde, une valeur rituelle de fête devra être pensée.
Je veux que cette fête soit l’occasion pour les élèves d’exploiter leurs processus imaginaires et leurs potentiels expressifs.

3.Organisation

Une plate forme d'échange a été pensée afin de stimuler les élèves et créer des liens entre les trois classes. Chacune est divisée en trois équipes définies par les couleurs primaires jaune, rouge et bleu. L'événement final sera donc composé de trois thèmes correspondant à chaque équipes. En abolissant les clivages géographiques, le projet se construit dans une perspective d'ouverture et de construction de liens.
Chaque équipe devra communiquer et échanger avec ses partenaires situés dans les autres collèges par l'intermédiaire d'un blog. Les élèves seront amené à utiliser internet comme unique outil de communication avant l'événement. Ils leurs sera demandé de participer aux recherches de fournitures et de matériaux nécessaires à la réalisation des décors et des costumes.

du geste à la trace

D'abord, il y a le geste. Les lames des ciseaux ouvrent une brèche et le silence se brise. La feuille se met a bouger timidement. Elle va quitter son immobilité bidimensionnelle. Je continue à découper. Un chemin se trace. Un plan abstrait prépare la surface à sa transformation, à son devenir autre. Contrôlant ou laissant faire le hasard, j'exécute un geste singulier. Je découpe des lignes qui je projette déjà dans l'espace. La feuille est posée par terre mais, malgré son format standard, elle frissonne. Un parcours de cisailles la dessine. Même découpée de tous cotés, elle demeure entière tel un corps au repos.

Je soulève un coté. La surface s'anime et entame son élévation. La feuille autre fois inerte se déploie et se transforme en corps dans l'espace. Je la saisis par un autre coté. Une tension parcourt la matière, les mailles se raidissent. Maintenant les découpes racontent leurs histoires communes. Je manipule ce corps tel un pantin aux étranges articulations. Ses gestes suivent les miens ou bien est-ce l'inverse?

J'accroche la découpe et m'en vais. Du point d'attache, la feuille retombe laissant son poids décider de sa forme finale. Le geste est figé dans le temps, il aurait pu continuer ou bien revenir à son départ. Suspendue dans l'espace, la surface se joue de la gravité. Pourtant sans prétendre à une légèreté illusoire, elle développe sa forme grâce à celle-ci. C'est la trace d'un geste, de la pauvre magie qui traduit une volonté de simplicité et d'économie de moyens. C'est l'histoire d'une transformation dont la forme finale contient ses échos.

Layla Moget, directrice du L.A.C. de Sigean, a été intéressé par mon travail de découpage. Elle y a perçut le potentiel pédagogique d'une pratique. Les pièces déjà réalisées s'orientent délibérément vers l'esthétisme et le formalisme.
Je fuis les systèmes et j'essaie de toujours me renouveler, quittes à prendre des impasses. Ma production n'est pas hiérarchisée ou encore organisée. Cependant, le temps me permet de constater que le geste n'est peut-être abouti.
Replacer la pratique de la découpe et la poser en
tant que savoir-faire transmissible me permet de
requestionner la pertinence de ces pièces
réalisées au regard de ce qui devient l'histoire d'un geste.




Si dés le départ, le processus de découpage a été le moteur conceptuel énonçant les enjeux ( planéité du matériau et sa transformation dans l'espace )Il me semble devoir clarifier ce geste pour s'intéresser à son apparition plus qu'aux résultats spectaculaires que j'ai pu proposer. Si de déploiement de la surface devient dessin dans l'espace, elle tend à s'éloigner du geste pour devenir pure image, c'est à dire une image arrivée là comme par magie alors que l'intérêt de ce processus est bien de laisser apparent le geste et en constitue une esthétique a par entière. Cette recherche me permettra de créer un parallèle avec celle effectué par les élèves afin que mon atelier devienne aussi l'espace symbolique
Un jour avant, dans une boite en carton, les vieux restes d'une fête.
Mon atelier penche vers le nord. Apparemment la musique dérange déjà les voisins. Je vais donc écrire à voix basse mes doutes et mes questions au commencement de cette résidence.
Qu'est-ce que j'attends de cette expérience?

Mon intuition me conduit à chercher à m'approprier le contexte de l'école, c'est à dire lui faire résistance, ne pas se laisser s'englober. Le collège est un espace de transition, un lieu de confrontation entre le devenir adulte et le devenir père (je m'expliquerais plus tard sur cette idée). C'est une
hétérotopie (si l'on me permet d'étirer le terme de Foucault jusqu'au frontière de notre communauté), c'est à dire quatre murs où se juxtaposent deux espaces, l'un symbolique (berceau du Savoir et de la Culture) et l'autre réel (confrontation et déplacement).
Le collège s'est bien évidement "Entre les murs" (de François Bégaudeau), une vision des choses où se mélangent mes souvenirs d'adolescent et les clichés ou autres commentaires médiatiques qui se sont efforcés de dresser un état dramatique de la situation de l'éducation pour enfin parvenir à ce terme si cher à nos oreilles, celui de crise.
Il me faut donc dépasser la position figée du constat alarmant propre à servir tout les effets d'annonces spectaculaires et à cautionner le découragement général.

Il y a quelques jours en sortant par le portail principal du collège, je croise deux jeunes adossés à la grille. L'un d'eux m'interpelle et me dit: "Hey! M'sieur, il va faire péter un pétard en face de la vie scolaire!" Surpris de devoir représenter cette autorité uniquement prétexte à confrontation, je lui réponds: "Et bien, tu ne sais pas être responsable de tes actes?"
Un peu crispé, je n'attend pas de réponse et continue mon chemin.
Derrière moi, j'entends le pétard exploser.

Quelle est ma place dans ce collège?
Elle est là où circule la parole entre l'adolescent et l'adulte. Mais elle est déjà ambivalente en ce que je réponds à la fois au rôle d'artiste et celui d'intervenant (voire éducateur). Autant dire que pour moi, la notion d'artiste intervenant est une oxymore. Mais loin d'être stérile, c'est ce paradoxe qui crée l'intérêt de l'expérience, penser une interaction au sein de l'école qui s'ouvre à l'inconnu. J'ai donc une position paradoxale qui sera le point de départ de ma démarche artistique. Je ne vais pas répondre à une commande, je ne vais pas insérer ou formater mon travail dans le contexte scolaire. Je me place en tant que chercheur, j'ouvre des pistes, proposent des expériences, créer des laboratoires. Sans prétendre à vouloir révolutionner le système éducatif, ma présence dans ce collège peut permettre de fonder une expérience commune où le savoir se créer à partir de chacun.